jeudi 31 octobre 2013

eh oui, la vie continue, même sans Sarkozy!

Par Armelle Gardien
Membre de RESF

 Alors que la famille de Leonarda a déposé un recours pour revenir en France, le Réseau éducation sans frontière (RESF), qui avait contribué à médiatiser ce cas d'expulsion, soutient toujours la régularisation de la jeune fille. De même que celle de tous les enfants sans-papiers scolarisés en France. Explications d'Armelle Gardien, au nom de RESF.

Édité et parrainé par Hélène Decommer
L’interpellation au cours d’une sortie scolaire de Leonarda, collégienne rom de 15 ans, a fait choc. La société tout entière semble redécouvrir la réalité des expulsions de familles sans-papiers. Quelques jours avant l’explosion médiatique, les lycéens parisiens avaient commencé à se mobiliser pour Khatchik, leur camarade expulsé. La jeunesse est dans la rue, une partie de la gauche se rappelle qu’il y a peu, elle réclamait la régularisation des jeunes majeurs scolarisés sans-papiers.
Crise au sommet de l’Etat. Manuel Valls publie une circulaire pour "sanctuariser l’école". En  2005, sous la pression des mobilisations, Sarkozy avait, lui, suspendu les expulsions de lycéens jusqu’à la fin de l’année scolaire.
La gauche se tait, la droite se lâche 
A gauche, les âmes sensibles sont priées de mettre en sourdine leur conscience.
Quant à la droite, elle se lâche, agite le spectre de l’immigration massive et le fantasme d’une France débarrassée des hordes qui convoitent sa nationalité.
Selon Copé, les enfants nés en France de parents sans-papiers ne devraient plus avoir droit à la nationalité française à leur majorité. Une proposition qui choque à gauche et même certains à droite, sans compter qu'elle est juridiquement intenable et moralement malhonnête.
Utilisant l’hyper-médiatisation d’une famille rom qui demandait un droit au séjour, elle dévie sur l’acquisition de la nationalité française. Un thème cher au Front national. Tout un chacun s’exprime, les sondages prennent à chaud la température de l’opinion : trois Français sur quatre se disent opposés à une acquisition automatique de la nationalité française pour ces jeunes dont les parents seraient arrivés en France sans-papiers, 18 ans plus tôt. Réformer les règles de l’immigration (ce sont les termes de la question posée) pour, au maximum, quelques centaines de jeunes, élevés en France, dont le français est évidemment la langue, ayant usé leurs fonds de culotte sur les chaises des mêmes écoles que leurs camarades, nos enfants, nos élèves, nos voisins.
Des enfants comme l’ont été d’autres dont la France s’enorgueillit aujourd’hui et dont les parents arrivèrent eux aussi sans-papiers. Punis, parce que leurs parents ont été un jour sans-papiers ? Et pour combien de générations à venir ?
Ce n’est pas l’histoire de la France qui "a inventé la nation civique, fondée sur des valeurs, indépendamment de toute origine ethnique" (Y. Roucaute, plume de Claude Guéant, "Le Monde" 26 octobre). Halte au feu.
Hollande a raté sa réforme "abolition de la peine de mort"
La volonté de témoigner des enseignantes de Leonarda et la solidarité des lycéens s’inscrivent dans la longue chaîne des refus de laisser faire, suscitée autour des élèves sans-papiers par RESF depuis 10 ans, pour leur régularisation et celle de leurs parents.
Nous avons affirmé, dès juin 2004, que nous n’acceptions pas qu’un élève soit porté manquant, expulsé, et que la classe continue comme si de rien n’était.
Après 10 ans de sarkozysme, il nous semblait indispensable que ce gouvernement témoigne de son attachement aux valeurs de liberté et de solidarité et inaugure la présidence Hollande d’une avancée sociétale, à la hauteur de ce que la suppression de la peine de mort a été pour celle de Mitterrand. La société française est métissée, les jeunes qui manifestent leur solidarité aujourd’hui en sont l’image et l’assument.
La réponse du gouvernement n’est pas à la hauteur. L’immigration est maintenue dans le champ de compétences du ministère de l’Intérieur, les mêmes lois  répressives à l’égard des étrangers continuent à être appliquées. Régularisations et expulsions, les chiffres de Manuel Valls sont globalement les mêmes qu’avant. Et le vote des étrangers est remis à on ne sait quand.
Le gouvernement dit : ce pays n’est pas pour vous ! 
Qu’attendez-vous ? Qu’attendons-nous ?
Nombre de facteurs sont réunis pour une percée de l’extrême-droite. Qui ne se privera pas, si elle parvient au pouvoir, de s’appuyer sur les propos et mesures de ce gouvernement de gauche, notamment en matière d’immigration, pour justifier les pires mesures.
Nous ne baissons pas les bras. Nous continuons à réclamer le retour et la régularisation des élèves expulsés, Khatchik, Leonarda, et les autres.
Nous continuons à exiger la régularisation des jeunes majeurs scolarisés, pas la portion congrue accordée par la circulaire Valls de novembre 2012 qui restreint la possibilité d’un titre de séjour à ceux qui sont arrivés en France avant 16 ans. Aux autres, scolarisés souvent depuis des années, ce gouvernement dit : ce pays n’est pas pour vous ! C’est une erreur profonde, le même rejet de la jeunesse des quartiers, cheval de bataille du sarkozysme.
Nous réclamons une autre politique, des lois sur l’immigration qui prennent acte de l’histoire et combattent les préjugés, s’appuient sur les valeurs fondatrices de ce pays et la réalité de la société française, métissée et qui le sera de plus en plus, à l’image du monde.
Il y va de l’avenir de la société dans laquelle nous voulons vivre et faire vivre nos enfants.

mardi 1 octobre 2013


Encore une révolte dites-vous?
Eh bien oui. Il est des paroles et des actes insupportables. M Valls est de ces gens dont les paroles sont loin d'être des paroles d'apaisement et de respect. 
Quelle société mettons nous en place? Celle de l'exclusion?
Bien sûr rien n'est noir ou blanc. Qu'attendons nous pour tendre la main à l'autre, au plus démuni et bâtir cette société de justice et de respect dont nous avons tous l'envie chevillée au coeur?


Le nouveau gouvernement a choisi la continuité avec l’ancien : la politique d’expulsion des camps de « Roms » étrangers continue de plus belle. Aux mêmes motifs. Avec à peu près les mêmes mots, les mêmes images. Avec les mêmes présupposés et les mêmes conséquences. À commencer par l’ethnicisation de familles issues de lieux et d’histoires multiples, qui ne se reconnaissent pas nécessairement de destin commun, sauf celui auquel on les assigne : le cercle vicieux de la misère et de l’exclusion.

Cela, nous ne voulons, nous ne pouvons pas l’accepter. Il y a deux ans, il importait déjà de se dresser en opposition à la politique de stigmatisation et de persécution menée sous la houlette de Nicolas Sarkozy, dans l’esprit du discours de Grenoble, contre les Roms et les gens du voyage. C’est avec la même détermination que nous nous élevons aujourd’hui contre la politique menée aux dépens des Roms sous la responsabilité du président de la République et de son premier ministre par leur ministre de l’Intérieur.

Manuel Valls renoue en effet avec une rhétorique qui avait mené un de ses prédécesseurs à la présidence de la République, et la République au bord de l’abîme. Or combien sont-ils, ceux qu’on veut expulser? 12 000 ? 15 000 tout au plus ? Sont-ils à ce point une menace pour l’ordre public qu’il faille impitoyablement les déloger sans solution de rechange ?

Si les nouveaux responsables invoquent autant la sécurité que les anciens, ils revendiquent (à l’instar de François Hollande pendant la campagne) un juste milieu entre « fermeté » et « humanité ». Mais qui peut croire que c’est pour leur bien qu’on détruit le lieu de vie de ces migrants ? En tout cas, pas les premiers intéressés. Car ils l’ont vite compris : si l’on se souciait tant de leur bien être, on ne les abandonnerait pas ensuite à leur sort, en oubliant de les reloger. Ils ne font qu’aller un peu plus loin. S’ils parviennent à se cacher, c’est au risque d’être encore plus abandonnés à eux-mêmes et privés des droits sociaux les plus élémentaires. Déplacer ainsi les gens, c’est bien sûr redoubler leur précarité, et faire obstacle à la scolarisation de leurs enfants.

Certes, Jean-Marc Ayrault préconise la concertation. Mais sur le terrain (faut-il s’en étonner ?), ces engagements ne sont pas respectés. Des centaines de familles se retrouvent dans des situations inextricables. À Lyon comme à Lille ou à Marseille ou en région parisienne, le travail des associations de bénévoles a été ruiné en quelques heures. En Essonne, plusieurs expulsions de bidonvilles ont eu lieu sur arrêtés municipaux, sans solution de relogement réel. Dans de nombreux départements, trop de communes tentent de ne pas scolariser les enfants Roms.

La majorité gouvernementale croit-elle donc qu’en agitant les peurs sécuritaires, elle échappera au reproche de « laxisme » ? C’est tout le contraire : dans ce domaine, elle n’ira jamais assez loin. La droite, en attendant peut-être l’extrême-droite, fera toujours mieux, c’est-à-dire pire. La gauche gouvernementale le paiera donc cher, y compris dans les urnes. En tout cas, les sondages suggèrent déjà qu’elle n’y gagne rien – pas plus qu’hier la droite au pouvoir. Seul le Front national pourra récolter les fruits de cette politique.

En outre, les concessions au populisme identitaire et sécuritaire ne feront pas avancer le pays dans sa mobilisation citoyenne face à la dictature des marchés et aux destructions d’emploi, bien au contraire. S’en prendre aux Roms ne suffira donc nullement à gagner les suffrages populaires. Cela ne peut que diviser, affaiblir là où il faut rassembler, agir. Singer la droite ? C’est décidément un mauvais calcul.
Il ne suffira pas davantage de renvoyer cette réalité migratoire à son origine – en l’occurrence la Roumanie, ainsi que la Bulgarie. Comme dans de nombreux pays de l’Europe de l’Est, la violence ordinaire vis-à-vis des « Tsiganes » se poursuit et risque de s’intensifier à mesure que la situation économique se dégrade. En même temps, la légitimation par l’État français de leur caractère indésirable ne peut que renforcer ce racisme.

Surtout, plutôt que de faire peser cette migration sur les gouvernements nationaux d’origine, comme l’a fait le ministre de l’Intérieur, il faut faire valoir une responsabilité de l’Union au lieu de mettre en péril l’idéal européen en la réduisant aux politiques néolibérales sans même la caution des droits de l’homme. Bref, il faut que Viviane Reding, commissaire européenne aux Droits fondamentaux, parle haut et fort comme en 2010, et non qu’elle soit réduite au silence face à l’État français.

Nous ne ressentons pas moins d’indignation qu’alors ; en revanche, notre colère est plus grande. Pourquoi changer de Président, sinon pour changer de politique ? Or plus ça change, plus c’est la même chose : les Roms sont encore et toujours pris pour boucs émissaires. Au lieu de jouer à son tour sur les peurs et les ressentiments, ce gouvernement aurait pu faire le pari des valeurs démocratiques : la liberté et l’égalité, pour les Roms aussi. Nous en sommes loin. Après l’éviction de la droite éhontée, on assiste à l’avènement d’une gauche honteuse.

Aujourd’hui, nous voulons donc interpeller la majorité gouvernementale :
Rien ne vous oblige à ce choix. Il est contraire aux principes que vous revendiquez ; pour autant, il n’est pas davantage dans vos intérêts. Votre responsabilité n’en est que plus grande. Nous vous tenons donc comptables aujourd’hui, comme l’histoire vous tiendra comptables demain, de cette banalisation de la xénophobie et du racisme par l’État français, au mépris des leçons du passé et des menaces qui pèsent sur l’avenir.